Session départementale des 16 et 17 octobre 2023
Mes chers collègues,
Nous n’avons pas la capacité de prédire précisément ni de contrôler directement le nombre d’enfants étrangers et sans parents qui viennent solliciter l’aide du Département. Ils, et elles (car nous voyons arriver de plus en plus de jeunes filles) ont été particulièrement nombreux à nous demander de l’aide depuis quelques mois. Pour répondre à leur demande, pour assumer nos responsabilités, le Département prend sa part, et Claire Tramier l’a bien souligné.
En travaillant et en mobilisant l’ensemble des partenaires.
En augmentant le nombre des évaluateurs
En augmentant le nombre de places d’hébergement, sous toutes leurs formes
La situation est néanmoins critique et les quelques annonces récentes de la secrétaire d’Etat à l’enfance ne nous permettent pas d’envisager, dans un futur proche, une résolution sereine de la crise qui touche la protection de l’enfance. La ministre évoque en effet la possibilité de renationaliser l'aide sociale à l'enfance.
Ces déclarations sont préoccupantes et on ne peut que s’inquiéter du sort des enfants dans la configuration où l’Etat aurait récupéré la compétence - dans la mesure où, aujourd’hui, l’Etat est déjà incapable d’assumer ses missions régaliennes touchant au respect des droits des enfants
en matière de pédopsychiatrie,
de protection judiciaire de la jeunesse,
ou encore d’accompagnement médico-social pour les enfants atteints de handicap.
Toutes ces carences de l’Etat créent la situation d’embolie que nous subissons aujourd’hui et je dois le dire à notre grand désespoir. Nous avons bien conscience, nous, des besoins de ces enfants, qui arrivent à l’issue d’un parcours migratoire qui ne peut être que douloureux, au cours duquel ils et elles ont souvent risqué leur vie et parfois perdu des proches. Ce sont des parcours qui vont immanquablement laisser des traces traumatiques, parfois profondes.
Ainsi, avant d’envisager toute renationalisation de la compétence, l’Etat doit d’abord palier à ses manques !
Mais l’on se doit d’avancer ensemble. Les Départements de France, la Loire Atlantique incluse, ont évidemment besoin de l’appui de l’Etat pour assurer certaines des missions relatives à la prise en charge des mineurs isolés.
Car nos ressources sont aujourd’hui insuffisantes pour
Assurer la mise à l’abri de ces enfants le temps de la reconnaissance de minorité, l’Etat doit agir
Il n’y a par ailleurs toujours pas de cadre national concernant la reconnaissance de minorité,
Et puis, je dois évidemment souligner les carences en termes d’éducation ! Les lenteurs administratives privent ces enfants de scolarisation. Ce sont des mois, des années parfois qui sont perdues et qui aurait pourtant pu permettre l’acquisition de compétences et l’intégration dans la société, voire l’apprentissage de la langue pour certains. Encore récemment, l’UNICEF a épinglé notre pays au sujet de ce retard d’apprentissage. aujourd’hui l’Etat assure une certaine répartition des efforts entre départements en réorientant les mineurs des départements où ils arrivent spontanément vers les départements à l’écart des routes migratoires. Cette politique doit être appliquée sérieusement et devrait s’accompagner d’un dispositif de sanction pour les Départements qui refusent de jouer leur rôle.
Des années de racisme et de peurs liées aux migrations conduisent certains acteurs politiques à faire de la nationalité un caractère supérieur à celui de la minorité. Par exemple, les élu-es du Territoire de Belfort ont voté un vœu il y a quelques semaines limitant l’intervention départementale à destination des mineurs étrangers car ces élus jugent ces enfants responsables des limites des services départementaux d’aide à l’enfance.
De telles analyses sont inadmissibles
Je tiens tout de même à rappeler que la Convention internationale des droits de l’enfant, qui aura 35 ans l’année prochaine protège les mineurs quelle que soit leur nationalité.
Cette ligne défendue et ces propos sont un glissement qui est très dangereux.
On ne peut pas admettre la possibilité de comparer 2 situations de détresse sociale. On ne peut pas accepter – et on ne l’acceptera jamais ! - qu’il faille faire un choix de protection et de prise en charge d’un enfant qui n’aurait pas franchi de frontière aux détriments d’un autre qui en aurait franchi une. La protection doit être identique à l’égard de tous les enfants, qu’ils soient français ou pas. Vous imaginez un peu dans quelle situation de dilemme moral cela nous plongerait si nous avions à faire ce choix ? Cela serait tout à fait contraire à nos valeurs de solidarité et à ce qui fait notre humanité.
Je vous remercie
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